Communiqué de presse du 10 décembre 2014
Coordination contre les méfaits de BAYER
Carl Duisberg: Gaz de combat, travail forcé, suppôt du nazisme
Plusieurs villes allemandes songent à changer le nom des rues qui portent celui de l’ancien PDG de BAYER. Dortmund et Luedenscheid ont déjà décidé de le faire.
Les villes de Dortmund et Luedenscheid, en Allemagne, ont décidé de changer le nom des rues qui portent celui de l’ancien PDG de BAYER, Carl Duisberg. Une lettre de BAYER pour l’empêcher à la dernière minute est arrivée trop tard. Francfort, Wuppertal et Leverkusen ont pris des initiatives analogues. Wuppertal est la ville natale de Duisberg, Leverkusen le siège de la maison-mère de BAYER.
Carl Duisberg (1861-1935) a pris la tête de BAYER en 1912. En 1925 il est devenu PDG de IG Farben, le konzern qui regroupait toute l‘industrie chimique allemande.
Dortmund est, avec ses 580 000 habitants, la ville la plus peuplée de la Ruhr. Les historiens des archives municipales sont arrivés à la conclusion suivante : « Durant la Première guerre mondiale, l’entreprise, alors sous sa direction, a fabriqué des gaz de combat. (…) Duisberg a été l’un des industriels allemands de premier plan qui ont pendant le conflit – et en violation du droit de la guerre alors en vigueur – pratiqué la déportation de civils belges pour le travail forcé en Allemagne. (…) Carl Duisberg était un membre actif de la Ligue pangermanique, d’idéologie antisémite. Patriarche de l’entreprise, il a été jusqu’à sa mort un adversaire résolu des syndicats, et un opposant d’emblée à la République de Weimar.
Selon Jan Pehrke, membre de la Coordination contre les méfaits de BAYER (CBG), « pour faire des profits, Carl Duisberg était prêt à passer sur des cadavres, au sens littéral. Sa responsabilité dans l’emploi des gaz toxiques et l’exploitation de travailleurs forcés ainsi que son étroite collaboration avec le régime nazi fait de l’ex-PDG de BAYER un mauvais exemple pour les générations futures. Dans une lettre adressée au maire de Leverkusen la CBG réclame qu’on lui retire son titre de citoyen d’honneur de la ville.
Dès la fin du 19ème siècle, Duisberg avait, sans états d’âme, commercialisé l’héroïne comme médicament inoffensif contre la toux. À l’époque BAYER faisait dans le monde entier de la réclame pour ses « remèdes-miracle », l’aspirine et l’héroïne. Lorsqu’un scientifique dénonça le potentiel addictif de l’héroïne, Duisberg, alors fondé de pouvoirs chez Bauer, déclara qu’il fallait « faire taire les adversaires ». Bien que le danger de dépendance ait été rapidement établi, la firme continua à vendre ce produit lucratif durant des décennies.
Carl Duisberg a joué un rôle historique important dans l’exploitation de travailleurs/euses forcé-e-s au cours de la Première guerre mondiale. À l’automne 1916 Duisberg, déplorant le manque de main-d’œuvre, lança le slogan « Ouvrez le vaste bassin humain belge » pour réclamer l’utilisation de travailleurs forcés. Le Ministère de l’Intérieur du Reich reprit la proposition des industriels et déporta environ 60 000 Belges, ce qui entraîna des protestations internationales. Cette déportation passe pour le précédent du programme de travail forcé durant la Deuxième guerre mondiale, d’une ampleur sans commune mesure avec elle.
À la même époque, Carl Duisberg mit au point, en collaboration avec Fritz Haber, des gaz toxiques (gaz moutarde, Croix verte) testés pour la première fois sur le front et les employa massivement, enfreignant ainsi sciemment les Conventions de la Haye relatives à la guerre sur terre. Duisberg ne tarissait pas d’éloges sur la mort par intoxication chimique : «Les adversaires ne peuvent absolument pas savoir quel danger ils courent sur un terrain arrosé de produit, et restent tranquillement à plat ventre jusqu’à ce que les symptômes apparaissent. » À Leverkusen fut ouverte une école spécialisée dans la guerre par gaz. À la fin du conflit, Duisberg et Haber se trouvaient sur les listes des gens recherchés par les Alliés et craignaient d’être inculpés de crimes de guerre.
Le plus grand succès de Duisberg fut la fondation, en 1925, d’IG Farben, dont il devint le PDG. Depuis des décennies, Duisberg travaillait à conglomérer toute l’industrie chimique allemande pour en faire la première firme chimique européenne.
Duisberg se montra réticent vis-à-vis de la république de Weimar. Il organisa des collectes parmi les industriels en faveur des partis conservateurs et nationalistes, dont le NSDAP après 1930. En 1931 Duisberg déclarait: « Le peuple allemand appelle sans relâche le guide qui le tirera de son insupportable situation. S’il nous arrive un homme qui se montre capable de toutes les audaces, il faut absolument le suivre. » La même année Duisberg réclama, dans un discours à la Chambre de commerce et d’industrie, la création d’un bloc économique européen dominé par l’Allemagne.
En échange de ses millions de subventions, IG Farben reçut des nazis des garanties de débouchés pour ses carburants et son caoutchouc synthétiques. Par la suite, aucune autre entreprise ne devait collaborer aussi étroitement avec les nazis. Et Carl Duisberg se félicitait donc, à l’occasion de son départ en retraite, « de finir sa vie sous notre Führer, Hitler ». De son côté Hitler, lorsque Duisberg mourut en 1935, présenta ses condoléances en ces termes : « La chimie allemande perd aujourd’hui l’un de ses premiers pionniers et un chef qui l’a menée au succès, l’économie allemande perd l’un de ses grands managers. Sa mémoire sera toujours honorée en Allemagne. »
Jan Pehrke, membre du Comité directeur de la Coordination contre les méfaits de BAYER (CBG) conclut: « Carl Duisberg était un nationaliste convaincu, une personnalité patriarcale assoiffée de domination et un ennemi impitoyable des syndicats. On peut dire qu’il fut un « criminel de génie » qui fit passer toute sa vie la morale après les affaires. » La CBG travaille depuis les années 80 à l’histoire de BAYER et a édité en particulier le livre « De l’aniline au travail forcé – L’histoire d’IG Farben». Traduction : Michèle Mialane (Tlaxcala)
En savoir plus: BAYER et IG FARBEN