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Pesticides

Mai 2003

Bayer mis en cause sur les pesticides dans les pays en voie de développement

En décembre 1984, la fuite d'environ 40 tonnes de methyl isocyanate de l'usine de pesticides d'Union Carbide à Bophal, en Inde, a provoqué la mort de plus de 14 000 personnes. Cette catastrophe illustre les dangers que les pratiques de grandes multinationales agro-chimiques occidentales font peser ssur certains pays en voie de développement. Deux des six plus grandes multinationales agro-chimiques au monde sont allemandes - il s'agit de BASF et de Bayer. Cette dernière, deuxième plus grand producteur de pesticides mondial derrière le suisse Novartis.

Les enfants morts du Pérou
En octobre 1999, 24 enfants du village péruvien de Taucamarca ont trouvé la mort après avoir avalé accidentellement du parathion-methyl, un composant pour pesticide fabriqué par le groupe Bayer. Lors de la dernière assemblée d'actionnaires, le représentant du village péruvien, Luis Gomero, a mis en accusation pendant une dizaine de minutes, la multinationale allemande.

Luis Gomero a expliqué notamment que ce produit se présente sous la forme d'une poudre blanche ressemblant à du lait en poudre. Or, sur l'emballage ne figurait aucune précaution d'emploi. L'information sur la dangerosité du produit, quand il y en avait une, était en espagnol, alors que la population est à majorité analphabète et ne parle que le Quetchua. En guise d'avertissement, les pictogrammes ne représentaient que des légumes.

Philipp Mimkes, de la " Coordination contre les dangers liés à Bayer ", une association d'actionnaires très active en Allemagne qui a fait venir Luis Gomero, s'est dit surpris par la bonne réaction du public : " En général, les actionnaires sont principalement intéressés par leurs dividendes. Mais il semblerait qu'ils aient été particulièrement touché par le cas de Taucamarca ". Quant à Bayer, elle refuse de verser des indemnités financières aux victimes, invoquant la procédure légale actuellement en cours au Pérou.

Ailleurs, en Asie
Le manque d'information, voire la désinformation, auxquelles s'ajoute le manque de formation sur l'emploi des pesticides, ne sont pas les causes principales des problèmes que posent les pesticides dans les pays en voie de développement. Leur usage, en général, est mis en cause. Exemple au Vietnam :

La production de fruits au Vietnam connaît, depuis la fin des années 80, une croissance continue. D'environ 200 000 hectares de surfaces cultivables en 1988, on est passé à 450 000 en 2001, selon Paul van Mele, chercheur au centre britannique Cabi Bioscience. Parallèlement, entre 1991 et 1998, l'importation de pesticides au Vietnam a augmenté de 600%, représentant une valeur de 120 millions de dollars - alors qu'ils étaient pratiquement inexistants jusque dans les années 80, précise le chercheur.

Au grand dam de Carina Weber, de l'association PAN-Germany qui milite pour la réduction des pesticides. "Les fermiers dans les pays en voie de développement se sont trouvés sous une influence massive des multinationales agro-chimiques, des Etats et de certaines institutions internationales pour employer les pesticides. On les a amenés à croire qu'utiliser les pesticides augmenterait leurs productions, et par là leurs bénéfices - sans pour autant les informer des conséquences ". De fait, la part de marché de Bayer en Asie du sud-est a augmenté en 2002. Elle représente 13,6% du chiffre d'affaire total, alors que l'entreprise a accusé une baisse de 2,8% aux Etats-Unis qui représente un tiers de son marché (31,1% en 2002).

Les pratiques agricoles traditionnelles, plus respectueuses de l'environnement et de la santé publique, sont également menacées de disparition. " En remettant leurs destins dans les mains des entreprises agro-chimiques et en étant convaincus de la modernité des méthodes de désinsectisation, les fermiers abandonnent les pratiques agricoles traditionnelles, " rapporte Paul van Mele.

Les pesticides biologiques
Les exploitants agricoles des pays en voie de développement doivent faire face à l'augmentation des coûts de la protection des cultures, l'accroissement des problèmes environnementaux et la chute des prix des produits alimentaires. Pour certains les pesticides biologiques constitue l'alternative idéale aux pesticides chimiques.

Une enquête conjointe menée entre autre par le Consortium international des biopesticides pour le développement (IBCD) et l'Institut international pour l'agriculture tropical (IITA) montre un intérêt croissant pour les biopesticides. Selon l'enquête, ils sont peu coûteux à produire, d'une utilisation sans risque pour la santé des agriculteurs et respectueux de l'environnement. C'est le manque de coordination, tant au niveau mondial que national, concernant le processus d'homologation des biopesticides qui freinerait encore son développement.

Pourtant Carina Weber met en garde contre leur utilisation : les produits labellisés biopesticides peuvent contenir des organismes génétiquement modifiés. " Le terme de biopesticide a été importé des Etats-Unis où la notion " bio " revêt une connotation plus large que chez nous. En Allemagne, le qualificatif " bio " est un terme bien défini qui rejette les OGM. On préfère parler de méthodes de désinsectisation non chimiques, " précise-t-elle. Bayer, est non seulement le deuxième producteur de pesticides au monde, mais aussi la plus grande entreprise de technologie générique en Europe.

Contacté par Novethic, le groupe Bayer n'a pas souhaité répondre.

Claire Stam
http://www.novethic.fr