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Inde

Coordination contre les méfaits de BAYER, Juin 2004

Inde: Les pesticides BAYER et la culture du coton

"Les pesticides et la culture du coton, pour moi, ça va ensemble. Nous utilisons beaucoup de pesticides, mais le monocrotophos n'est pas dangereux. Il est inutile que je me protège", dit le petit paysan indien Anand. C'est donc sans tenue de protection qu'il pulvérise ce produit BAYER jour après jour et après chaque pluie. Pour lui ce pesticide agricole n'est responsable ni de l'engourdissement qu'il ressent tous les soirs, ni de ses nausées, ni de ses difficultés d'élocution. Anand ne sait rien de la dangerosité des substances du groupe des organophosphorés. Analphabète, il ne comprend pas les consignes inscrites sur les récipients, pas plus qu'il ne connaît les dosages prescrits. Pour utiliser le monocrotophos, il ne se réfère qu'à la quantité d'insectes nuisibles qui augmente constamment. Les plantes sont extrêmement sensibles aux vers et aux insectes. Ainsi la monoculture pratiquée depuis des années réclame son tribut. Dans aucune autre partie du monde, on n'utilise autant de pesticides que dans la Grande Ceinture du Coton d'Andhra Pradesh, ce qui a des conséquences catastrophiques: pendant la haute saison, les médecins de l'hôpital régional traitent jusqu'à 50 cas d'empoisonnement par jour.

De plus, beaucoup d'agricultrices et agriculteurs, persuadés que les grosses quantités sont plus efficaces, s'exposent inutilement à un tel risque pour leur santé. La plupart des insectes et des vers nuisibles sont depuis longtemps résistants au monocrotophos. C'est ce qui a fait que de nombreux agriculteurs ont perdu toute leur récolte. 700 d'entre eux se sont suicidés l'an passé. On dit dans le film qu'ils "ont bu le poison qui ne parvenait pas à tuer les nuisibles".

Anand a perdu deux tiers de sa récolte de coton. C'est pourquoi il utilise depuis peu AVANT produit par BAYER, qu'il a payé l'équivalent de 70 euros. Etant donné que son coton ne lui rapporte qu'environ 100 euros par an, il a déjà dû donner une partie de sa récolte en gage au marchand de pesticides. Il ne lui reste que deux sacs de coton qu'il peut vendre librement au marché de Warangal. Et cette année, il gagnera moins que par le passé. La longue période de sécheresse a porté atteinte à la qualité. De plus, la culture du coton prend de plus en plus d'ampleur - non seulement en Inde, mais aussi en Afrique - et la surproduction fait baisser les cours mondiaux. Il y a 8 ans, lorsqu'Anand a commencé à ne produire que du coton, on ne pouvait pas prévoir cette évolution. On parlait alors d'"or blanc", parce que les cours mondiaux étaient bien supérieurs à ceux des céréales ou du riz. Mais c'est du passé.

La seule qui ait profité du boom du coton, c'est la multinationale BAYER qui domine à 80 % le marché indien de l'agrochimie. Elle a ainsi trouvé une région où écouler de façon lucrative des pesticides obsolètes, interdits d'utilisation ailleurs depuis longtemps. Cela n'empêche pas S. Venkata Pathi, PDG de BAYER Inde, de jouer les innocents en présentant l'entreprise comme une victime: "Le marché nous oblige à continuer à livrer du monocrotophos, du finalphos etc. La demande vient de nos grossistes. Ce n'est qu'une solution temporaire, car nous ne produisons pas ces produits nous-mêmes. Cependant nous devons répondre aux exigences du marché et livrer nos distributeurs.

BAYER ne produit ni le monocrothopos ni les autres produits du même type. Elle les fait produire - dans des conditions catastrophiques. Ce sont des installations bonnes pour la démolition de la région industrielle de Vapi qui servent de lieux de production. Le vent souffle à travers les hangars dont les parois sont protégées des précipitations par de la tôle rouillée. Devant les usines s'amoncellent des montagnes de déchets spéciaux. Impossible de reconnaître à l'œil nu quelle usine est fermée et laquelle produit encore. Elles ont toutes l'air aussi hallucinant. Un pôle de production chimique à l'allure de ville fantôme - c'est comme ça qu'on conçoit "l'attitude responsable" quand il s'agit de l'Inde. "Je constate que BAYER ou AVENTIS viennent ici, parce qu'on y produit bien meilleur marché. C'est le cas, parce qu'ils ne sont pas obligés de traiter les eaux usées et les ordures", s'indigne Michael Mazgaonkar du groupe de protection de l'environnement indien PSS. Leurs déchets, ils les envoient dans la station d'épuration communale, dont la construction a été subventionnée par la Banque mondiale. C'est aussi grâce à cette dernière que Vapi est relié au réseau routier. Il est clair que les installations dépassées de Vapi doivent avoir accès le plus vite possible au marché mondial. Comme Vapi est une zone franche, où aucune norme de protection de l'environnement n'a cours, la moitié de la région est polluée. Les accidents dûs à la chimie sont quotidiens et sont imputés au compte de profits et pertes des entreprises. S'il y a une explosion quelque part, les firmes s'installent tout bêtement dans le bâtiment voisin ou dans de nouveaux locaux construits à la va-vite.

Il y a suffisamment de demandeurs pour ces véritables bombes à retardement que sont ces produits chimiques, car il existe partout dans le monde de pauvres cultivateurs de coton, qui ne peuvent pas se payer les nouveaux produits moins toxiques. Par l'intermédiaire de paysans tels que Anand, les poisons entrent dans chaîne de production vestimentaire. D'abord, l'agriculteur se porte préjudice à lui-même en les pulvérisant. Ensuite ce sont les cueilleuses qui mettent leur santé en danger. A l'étape suivante, le coton arrive à Tirupur, la cité du vêtement, pour y être transformé, et là, les travailleuses du textile sont à leur tour exposées aux substances chimiques. On y rajoute les produits chimiques nécessaires au blanchiment et à la teinture. C'est pourquoi de nombreuses employées se plaignent de malaises, de nausée et de phénomènes de paralysie. Mais elles ne sont pas les seules, toute la ville est touchée par l'overdose de produits chimiques. Chaque jour, l'usine produit des milliers de litres d'eaux usées qui polluent la nappe phréatique et empoisonnent les rivières. C'est pourquoi l'eau potable est un bien précieux. Des camions-citernes l'apportent de loin, et elle coûte cher. "Je dois acheter l'eau que j'utilise pour faire la cuisine, et elle est chère. Actuellement, nous dépensons déjà un tiers de mon salaire uniquement pour l'eau", dit une ouvrière du textile. A Tirupur, il n'y a que la santé qui soit un bien plus précieux: l'espérance moyenne de vie est d' environ 35 ans.

Mais la trace des pesticides ne se perd pas si facilement. Une fois qu'ils se trouvent dans les fibres des vêtements, ils reviennent dans le pays d'origine de BAYER et se retrouvent dans les rayons de C & A, Metro ou H & M. En raison de l'effet allergisant des produits chimiques, certains acheteurs et acheteuses ne peuvent pas les porter. C'est ainsi que se referme le cercle vicieux du poison.

La Coordination contre les méfaits de BAYER (CBG) demande que soit mis fin aux normes " à deux vitesses " dans le commerce des pesticides ainsi qu'en ce qui concerne la protection de l'environnement. BAYER doit arrêter de produire à Vapi et prendre part à la réhabilitation de la région de toute urgence. (traduction: Edith Meyer)