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Liberation

23 mars 2005, Liberation

Bayer: OGM et herbicide, cocktail néfaste pour la biodiversité

La plus importante étude jamais réalisée en Grande-Bretagne sur le colza transgénique et l'utilisation d'herbicides conclut qu'ils endommagent la faune et la flore.

Des millions de graines et d'insectes collectés dans soixante-cinq champs. Après quatre années d'enquête sans doute la plus approfondie sur le sujet , des chercheurs britanniques travaillant pour le compte du gouvernement ont rendu leur verdict : la culture de colza transgénique semé en hiver altère la biodiversité. Des résultats qui confirment d'autres études publiées dans le même cadre en 2003, mais dont l'interprétation reste délicate.

Selon l'étude, publiée lundi dans les Annales de la Royal Society (1), les champs de colza transgénique résistant à un herbicide, le glufosinate, affichent une moindre biodiversité que les champs de colza cultivés de manière traditionnelle. Les chercheurs constatent par exemple que les mauvaises herbes à large feuillage sont moins présentes. Or, ces plantes produisent les graines les plus attirantes pour plusieurs espèces d'oiseaux (alouettes, bouvreuils...), et des pollens appréciés des abeilles et papillons. Sur le terrain, les chercheurs ont constaté que les champs "transgéniques" abritent moins d'abeilles et de papillons, et ils s'inquiètent d'un effet possible sur les oiseaux. En revanche, le colza transgénique requiert moins d'herbicide. Des résultats similaires en plus nuancés à ceux constatés en 2003 pour le colza de printemps.
Pas question, rappellent les auteurs, de dénoncer comme seul coupable l'OGM, comme c'est le cas lors des contaminations de cultures traditionnelles. Car la comparaison porte sur une pratique agricole, associant la plante et l'herbicide associé.

Chez Bayer Cropscience, la firme dont le colza transgénique a été étudié, on ne s'étonne pas. "Ce que veut l'agriculteur, c'est un champ propre, avec moins de mauvaises herbes, et cette étude prouve bien que notre colza et son herbicide sont efficaces, résume un responsable de la filiale française. Mais on peut remarquer que les désherbants associés, lors des essais, aux cultures traditionnelles ne sont pas très performants." Il laisse entendre que ce choix conduit à surévaluer l'écart entre colzas traditionnel et transgénique. Reste que la firme n'est pas très confiante sur l'avenir de sa semence en Europe : "Sa culture n'est pas notre priorité." On reconnaît pourtant qu'une demande d'autorisation de culture et d'importation adressée à l'UE a finalement été "remplacée il y a environ un an par une autre qui ne mentionne plus que l'importation". Une réorientation "sans rapport avec les études britanniques".
Hier, alors que Bruxelles discutait de sa stratégie OGM, la Pologne lui a demandé le droit d'interdire, pour deux ans, un maïs transgénique de Monsanto. Un nouveau coup dur pour les semenciers. (par Denis DELBECQ)
(1) www.pubs.royalsoc.ac.uk/proc_bio_content/pdf/rspb20043049.pdf