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Essure

20 octobre 2015

Une étude jette le doute sur un implant contraceptif

L'implant Essure serait associé à un risque plus élevé de se faire opérer après son installation, révèle une étude. Son propriétaire, l'Allemand Bayer, conteste l'interprétation des résultats.

En vente depuis 2001, l'Essure est un implant contraceptif définitif qui séduit de plus en plus de femmes ayant décidé de ne plus avoir d'enfant. Une étude américaine publiée la semaine dernière dans le British Medical Journal vient jeter un doute sur cet implant, apportant de l'eau au moulin de ses détracteurs. D'après ses conclusions, l'Essure serait associé à un plus grand risque d'opération dans les années qui suivent, comparé à l'autre grande méthode, la ligature des trompes.
L'Essure, c'est un petit ressort métallique composé de nickel, d'acier inoxydable et de fibres de plastique. Inséré au niveau des trompes utérines, il se décompresse et finit par être colonisé par les tissus qui bouchent les conduits et empêchent donc les spermatozoïdes de remonter jusqu'aux ovules. Son point fort, c'est son installation facile. Un gynécologue le place par voie vaginale en moins de dix minutes, sans incision ni anesthésie, contrairement à la ligature. Cette simplicité lui vaut un franc succès: on estime que près de 750 000 implants ont été vendus depuis 2001 par la start-up californienne Conceptus, rachetée en 2013 par l'Allemand Bayer pour plus d'un milliard de dollars.

Plaintes américaines
Malgré cette réussite, l'Essure est au centre d'une controverse depuis quelques années. Douleurs abdominales, saignements… de nombreuses femmes se plaignent d'effets indésirables, surtout aux Etats-Unis où plus de 5000 signalements ont été enregistrés par l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. Rien de comparable en Suisse, au vu du très faible nombre d'Essure implantés, note Chahin Achtari, gynécologue au Centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne.
Le petit ressort est-il vraiment à l'origine de ces effets indésirables? C'est ce que semblent indiquer les travaux de Jialin Mao, de la Faculté de médecine de l'Université Cornell, dans l'Etat de New York. Dans cette étude de grande envergure, les médecins ont épluché les dossiers de plus de 52 000 patientes de cet Etat ayant opté pour une stérilisation définitive entre 2005 et 2013 (8 000 avaient reçu l'Essure, tandis que 44 000 avaient choisi une ligature). Le verdict? Les deux méthodes ont beau assurer une contraception aussi efficace (respectivement 1,2% et 1,1% de grossesses non désirées), l'implant est associé à un risque dix fois supérieur de se faire réopérer par la suite.
Le laboratoire Bayer a relativisé ces conclusions, indiquant notamment que la pose de l'Essure est obligatoirement suivie d'un test de contrôle après trois mois, tandis qu'aucun test n'est imposé après une ligature des trompes, ce qui doit inciter à la prudence quant aux interprétations.
«Le test de suivi peut détecter un placement insatisfaisant des dispositifs, ce qui entraîne la nécessité d’une 'ré-intervention' pour les retirer et effectuer une ligature des trompes (...)», précise Bayer dans un communiqué.
Autre critique formulée: «Il est difficile de savoir si les données concernent des patientes ayant subi la pose d’Essure au sein de cabinets médicaux appropriés ». Autrement dit, ce ne serait pas les implants qui seraient en cause, mais leur introduction aléatoire par des médecins peu regardants ou mal formés.

Médecins mal formés
Cet avis est partagé par Philippe Mironneau, coordinateur du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France. «Au départ, le laboratoire Conceptus a démarché les gynécologues via une campagne de communication axée sur la facilité d'installation de l'Essure, raconte le médecin. On se disait qu'il fallait vraiment être un imbécile pour rater la pose!» Les DVD de démonstration montraient des installations chez des patientes jeunes et en bonne santé, rappelle le médecin. «Dans la réalité, c'est évidemment plus compliqué, il y a sans doute des précautions et des contre-indications qui n'ont pas toujours été respectées.»
L'hypothèse est plausible, d'autant qu'elle expliquerait pourquoi aucune plainte n'a été enregistrée en France, où les visites de contrôle sont systématiques alors qu'aux Etats-Unis, précise Le Quotidien du Médecin, «cet examen coûte cher, seules 16% des patientes s'y présentent».
Face à ce constat, le nouveau propriétaire de l'Essure a pris des mesures. «Nous ne fournissons les implants qu'aux médecins dûment entraînés par notre programme de formation, mais nous ne pouvons pas empêcher certains médecins de se fournir par d'autres moyens», explique au Temps Astrid Kranz, l'une des porte-parole de Bayer.
Jialin Mao estime pour conclure que «les risques et les bénéfices des deux méthodes devraient être discutés avec les patientes pour leur permettre de prendre la meilleure décision.» Sage conseil qui devrait s'appliquer à tous les secteurs médicaux.