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La Pilule

29 avril 2014 / Cologne

Assemblée Générale BAYER

Discours de Marion LARAT

Mein Name ist Marion Larat, ich bin sechsundzwanzig Jahre alt und ich bin ein Opfer der Pille Meliane.
Je suis là face à vous, hémiplégique, aphasique et épileptique à la suite d’un AVC qui m’a terrassée il y a 8 ans : j’avais 18 ans, j’étais amoureuse et je prenais la pilule MELIANE depuis 3 mois, et voilà, ma vie a bien failli s’arrêter là. Heureusement, j’ai survécu, et c’est pourquoi je suis venue vous dire ma souffrance et ma colère, et avec moi, celles des milliers de femmes en France qui étaient en bonne santé, et qui depuis 30 ans ont été victimes des produits contraceptifs de BAYER.
En France, depuis mon cri d’alerte lancé le 14 décembre 2012 et la campagne d’information menée par notre association de victimes AVEP, nous avons sauvé des centaines de vies, et épargné à des milliers de femmes le calvaire d’une embolie pulmonaire ou d’un AVC qui laissent des séquelles pour la vie.
Mesdames et messieurs les actionnaires, je suis fière de vous dire que nous avons sauvé des vies … aux dépens de vos profits !
Sur le marché français, les ventes de Diane 35 se sont effondrées, et celles des pilules 3G/4G ont baissé de moitié : rien que sur le marché français, BAYER va perdre des centaines de millions d’euros de revenus tous les ans.
Poussée par notre action, l’Agence Européenne du Médicament a enfin réévalué les risques de ces produits et reconnaît maintenant que MELIANE, YAZ, ou Jasmine causent 3 fois plus d’accidents graves que les pilules des générations précédentes sans apporter le moindre bénéfice : pour 1000 femmes en bonne santé qui utilisent des contraceptifs hormonaux produits par BAYER, il y a un accident grave par an. Dr Dekkers, vous avez 3 filles, je pense que vous êtes un père raisonnable, donc j’espère que vous ne les laissez pas prendre le risque de détruire leur vie avec les produits que vous vendez !
En Europe, l’information commence enfin à circuler : grâce à l’action courageuse de quelques journalistes, la Hollande a aussi dénoncé ce scandale et les prescriptions de 3G/4G vont être encadrées. En Grande Bretagne, les autorités de santé ont lancé un avertissement officiel à tous les médecins : vos ventes vont s’effondrer là aussi, ainsi que dans tous les pays européens.
Partout, les victimes se lèvent : après les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne, la Suisse, la France, la Hollande, voici l’Australie avec des centaines de victimes qui s’organisent pour porter plainte : BAYER va devoir encore provisionner des milliards d’euros d’indemnités, et les ventes vont continuer de baisser.
Dr Dekkers, lorsque vous décidez de vendre ces produits , vous savez qu’ils sont 3 fois plus dangereux que les précédents, qu’ils n’apportent aucun bénéfice à des femmes en bonne santé qui recherchent simplement un moyen de contraception efficace ; cependant, vous employez délibérément toutes les méthodes bien connues de votre profession : dissimulation des résultats des tests, manipulation des prescripteurs en utilisant des médecins médiatiques, et jeux d’influence sur les autorités sanitaires et les décideurs politiques…Vous avez l’air doux et honnête , et pourtant, vous n’hésitez pas à tuer pour maximiser vos profits : seriez vous en fait le patron d’une industrie mafieuse ?
Dr Dekkers, des centaines de victimes françaises m’ont suivie et ont décidé d’attaquer BAYER au pénal, pour que votre culpabilité soit reconnue et pour que vous soyez condamné. Quelques mois de prison, vous reconnaitrez que c’est bien peu lorsqu’on est responsable de toutes ces souffrances, de tous ces deuils et de ces vies définitivement brisées lorsque le handicap, comme dans mon cas, vous exclut du monde du travail et vous réduit à la pauvreté : l’Etat français me fait l’aumône de 700 euros par mois … et dites moi, Dr Dekkers, combien gagnez vous tous les mois ?
Votre condamnation encouragera votre successeur à ne pas persévérer dans ces stratégies criminelles.
L’excellence scientifique de BAYER n’est pas en cause, c’est son éthique qui est condamnable ; nous maintenons qu’il est possible de gérer une entreprise de façon profitable sans mentir et sans mépriser toutes ces jeunes femmes en bonne santé qui vous font confiance.
Dr Dekkers, je n’ai qu’une question à vous poser : comment justifiez-vous d’avoir dissimulé si longtemps le sur risque de ces produits aux médecins prescripteurs et aux patientes, alors qu’il est officiellement reconnu par l’Agence Européenne du Médicament et que vous le connaissiez depuis le premier jour de leur mise sur le marché ?
Mesdames et messieurs les actionnaires, ce directoire mène une politique qui n’est pas digne de votre confiance, et par respect pour les victimes, je vous demande de voter la contre motion présentée par la « Coordination gegen BAYER-Gefahren ».
Herr Dekkers: Während einer Sekunde, stellen Sie sich vor, daß ich Ihre Tochter bin.

Bayer, science for better li(f)e

Ça y est, je fais mes valises: demain, mes parents et moi nous partons à l'assemblée générale de Bayer. Nous allons manifester contre les pilules de 3e et 4e génération, 3 fois plus dangereuses que les autres et n'apportant pas plus de bénéfices.
Malheureusement, pendant la nuit, je fais une crise d'épilepsie. Puis une autre. Puis encore une autre. Quand ma mère arrive, je suis au plus mal. Est-ce que je dois rester à la maison? Pas question! Maintenant, c' est entre Bayer et moi.
Notre plan de voyage est simple: nous prenons l'avion de Bordeaux à Strasbourg, puis nous continuons en voiture à Cologne, le centre économique et sociale de Bayer. Si c'était facile... je finis aux CHU de Strasbourg pendant la nuit, m'en pouvant plus de mes crises à répétition. Maman commence à parler de la pilule à la femme de ménage de CHU, puis au neurologue de garde qui se met alors à regarder l'heure.
- Bon, c'est quand, tout votre bastringue à Bayer?
- Après demain.
- Allez, je vous laisse sortir...

Cologne est une ville magnifique: refaite après la guerre, elle est beaucoup plus aérée que Paris. Nous arrivons en fin d'après midi, juste à temps pour visiter l'église des Antonins. Je m'arrête devant une statue d'ange couché, "l'ange oscillant", en mémoire à toutes les victimes de la guerre de 39-45. Je me demande un instant si on va faire un jour un mémorial pour les victimes de la pilule depuis les années 60. Je sais que par rapport à la guerre, c est sans comparaison, mais par rapport aux chiffres donnés, c'est sans comparaison aussi.

On prend une chambre à trois... je ne referai jamais ça. Entre mes parents qui ronflent comme deux locomotives et l'excitation, je passe une nuit blanche. Mais, pourtant, le lendemain, je suis prête pour aller au front. Je me fais "toute mignonne", comme dit papa, "s'il y a des journalistes". Mais je mets un brassard pour soutenir mon bras handicapé, afin de montrer à Bayer que ce n est pas de la blague, que j'ai vraiment eu un AVC gravissime à cause de cette saloperie de pilule.

Nous arrivons sur le site, et rejoignions Risiko-Pille, l'association allemande partenaire d'AVEP. Pendant une journée, nous sommes des actionnaires... Les vigiles de Bayer nous regardent de très près, au premier sens du terme. Mais entre les représentantes de Risiko-Pille, qui sont au nombre de 8, et nous, nous ne sommes pas fiers. Heureusement, Greenpeace est là, pour défendre les abeilles, plus d'autres petites d associations. Je vois un père qui a perdu sa fille à cause de la pilule de 4e génération, je ne sais pas quoi lui dire. Il y a peu de journalistes, peut être que le mauvais temps ne les a pas fait sortir... en tout cas, c'est ce que je me dis pour les dédouaner.

Tout à coup, je vois des bus, des dizaines de bus, arriver. Sortent des actionnaires dont l'âge moyen est 70 ans. "Ah, je me dis, ils ont sûrement des petites filles, on peut discuter avec eux en brandissant nos pancartes, en donnant des prospectus". Que nenni! Marion, tu es trop bête... Je perds le peu d'innocence qu'il me reste en voyant les actionnaires tourner le regard, même presque courir à l'intérieur. Alors que les Allemandes restent très calmes, je commence à m'exciter.

Je me plante devant la porte et fais "Guten Tag" à chaque fois que les actionnaires pénètrent dans l'enceinte. Maman me dit: "Marion, tu leur fais peur!". Alors, je siffle entre mes dents: "connards". Et je me promets intérieurement que, si je passe de l'autre côté de la barrière, et que je prends des actions X ou Y, je prendrais les prospectus afin de me faire mon point de vue.

Nous rentrons à l intérieur. Partout, c'est le logo qui domine, avec le slogan "Science for better life"... Déjà, le grand manitou de Bayer, le Dr Dekkers, commence à parler de combien de pourcentage il a augmenté les valeurs de la société, nourri toutes les deux phrases par des applaudissements d'actionnaires aveuglés par l'argent. Nous, les victimes, on est plutôt attirés par les victuailles. Chocolats chauds, sandwichs, gâteaux... Bayer soigne bien ses actionnaires.

On entend les applaudissements finaux: le Dr Dekkers est une pop star. Pourtant, il a l'air vraiment insignifiant, avec son air de poule mal réveillée. Allez, enfin, ceux qui sont contre le directoire de Bayer, postés sur l'aile droite de la salle, parlent enfin. Tout de suite, deux tiers des actionnaires partent.

Nous mettons un casque audio pour pouvoir écouter les victimes. Et même si les victimes sont de nationalité étrangère, elles doivent parler allemand, ou elle doivent avoir un traducteur sinon on leur coupe le micro. Apparemment, une femme n'est pas au courant de la contrainte, mais elle commence à parler en anglais, pour défendre son père mort depuis des années à cause d'un produit toxique interdit en Allemagne mais autorisé en Australie. Tout de suite, en lui coupe le sifflet, en disant que vraiment, c'est pas de bol pour son père, mais qu'il faut avant tout qu'elle parle allemand pour continuer. Trois fois, elle reprend, trois fois, on la tient au silence. L'aile droite de la salle commence à huer le procédé. Alors, elle se place devant Dekker, en pleurant presque, heureusement qu'il est un peu plus grand qu'elle, sinon, il se serait pris une bonne gifle. Je pleure.

C'est à moi de parler, avec ma traductrice. Je monte sur l'estrade, en prenant soin d'essuyer mes larmes. Je commence avec mon unique phrase, et je finis avec une autre, qui a été pour moi, aphasique, ne connaissant pas l'allemand, très difficile. Même si je fixe intensément Dekkers dès que la traductrice dit son nom, il s'en fiche totalement, il discute avec ses copains. "C'est un mur", je pense. Je me demande s'il va falloir l'entarter pour le faire réagir un minimum. Je vais devoir appeler le Belge...
Dekker est obliger de répondre aux victimes. Il le fait de façon systématique avec les papiers fournis par ses avocats. Quand il arrive à moi, il se fiche carrément de ma figure. Il dit, ouvertement, que ses pilules sont fantastiques, même si aux Etats-Unis, il a payé plus d'un milliard de dollars pour faire taire les victimes.

Alors, aujourd'hui, c'est un appel à toutes les filles ayant souffert de la pilule de troisième et quatrième génération, et même de la pilule en général, que je lance. L'année prochaine, ça sera pareil: les médias ne seront pas là, notre message sera perdu dans la pluie de Cologne. J'ai l'impression qu'on a fait un coup d'épée dans l'eau, je suis restée sur ma faim. Vous savez, plus fort que la somme des volontés individuelles est une seule volonté collective, tous tournés contre les lobbyistes pharmaceutiques... Alors oui, il faut s'indigner, en portant plainte. Mais après l'indignation viennent la réflexion et l'action. Et l'action, c'est,comme le dit notre regretté Hessel, la résistance. Maintenant, je comprends qu'on rentre vraiment en guerre. Alors, dites-moi, en avril 2015, on sera encore trois péquenots ou une foule?